Décor
Des influences multiples :
Véritable chef-d'œuvre de l'art celtique, sans équivalent connu à ce jour, l'objet serait une forme intermédiaire entre les casques coniques à pointe surmontée d'un bouton et sans paragnathides, désignés sous le terme de Casques de Berru et peut-être d'inspiration perse (fin du VIe et début du Ve siècle avant J.-C.), et les casques italo-celtiques caractérisés par les paragnathides mobiles, maintenues sur le timbre par des charnières et à la pointe moins prononcée. La disposition du décor en registres dérive des bandes gravées des casques de Berru. Ici, elles couvrent toute la surface du timbre, comme sur d'autres casques d'apparat plus tardifs du IVe siècle avant J.-C., aux marges du monde celtique (Amfreville en Normandie et Canosa en Italie du sud).
La décoration et la fabrication du casque d'Agris témoigne d'influences ornementales et techniques variées, entre Europe occidentale et orientale. Son style relève principalement de la tradition et des ateliers de fabrication de l'art celtique nord-alpin, caractérisés par le couvre-nuque riveté, la dorure et l'ornementation végétale gréco-étrusque dite Early style (Premier style), reconnaissable aux formes géométriques figurées sur les deux registres supérieurs du casque. Le style italo-celtique végétal continu, présent sur le registre médian, dans les angles libres entre les esses, permet permet d’affiner la datation vers le milieu ou dans la seconde moitié du IVe siècle avant JC. La pureté de l'affinage de l'or trouvé sur le casque, tout à fait inhabituelle pendant l'Antiquité, pourrait indiquer quant à elle qu'il proviendrait de la Gaule du sud-ouest (comme les bijoux celtiques du IIIe siècle avant J.-C.), plus particulièrement des aurières du Massif Central et qu'il aurait donc été fabriqué par des artisans occidentaux formés au style nord-alpin : la complexité du montage et de la décoration ne peuvent s’expliquer que dans un contexte artisanal proche des meilleurs ateliers métallurgiques méditerranéens du IVe siècle avant J.-C., comme ceux de Tarente ou de la Campanie grecque.
Le décor des bandes ornementales :
Les petites têtes humaines en corail figurent ici exactement au même emplacement que sur le casque de Montlaurès en Languedoc. Le registre médian porte un enchaînement de motifs en S (esses) enserrant des lotus à deux registres alternativement droits et renversés. Des bandes de peltes (bouclier des Amazones) séparent le registre médian des autres. Le registre inférieur du timbre montre de grandes palmettes à sept pétales surmontant des disques. Des volutes symétriques d'où pendent des palmettes à cinq pétales s'enroulent dans les intervalles libres de ces palmettes.
Le décor de la paragnathide :
Elle se compose d’une plaque de fer ajourée formée de deux esses affrontées d'où pend une palmette renversée. Recouverte de corail riveté, la paragnathide est bordée de fils d'or bouletés qui forment des motifs curvilignes avec un méandre prolongé d’un côté par une volute et de l’autre par une boucle terminée par une tête animale. Celle-ci est caractérisée d’une part par un long museau, des yeux exorbités et de larges naseaux, qui évoquent une tête de carnassier, chien ou loup, d’autre part par une paire de cornes enroulées. Cette figure monstrueuse de serpent à tête de canidé pourvu de cornes de bélier a peut-être un caractère prophylactique.
Les fragments des garnitures latérales du timbre :
Le décor des fragments révèle, une fois encore, la richesse de l’objet. Une crosse, dont la dimension est le double d’un motif identique rencontré sur la paragnathide, reproduit peut-être celui-ci. Sur les faces figurent des feuilles de gui et des baguettes de corail sur les bords enrichissent le placage de feuille d'or. Une autre pièce, de section bifaciale trilobée, porte une demi-palmette latérale. Enfin, une autre demi-palmette bifaciale et de petits fragments de feuilles d'or décorés ont été retrouvés détachés de leur support.
Le répertoire décoratif du Casque d’Agris est donc très riche et prouve la diversité des influences géographiques et culturelles.
G. P.