Notice
Les menuki prennent la forme de deux petits ornements métalliques placés de part et d’autre de la poignée de façon à se disposer sous les doigts si l’on est droitier et dans le creux de la main si l’on est gaucher. Les menuki sont maintenus par un petit ergot qui s’insère dans la poignée (tsuka) ainsi que par le tressage (tsuka ito). Ils sont donc partiellement cachés. La fonction des menuki de l’Ère Edo est essentiellement décorative et symbolique, remplissant sous doute un rôle d’amulette. Le décor est souvent identique pour les deux menuki. Ils peuvent parfois s’avérer d’une très grande qualité, en faisant de véritables bijoux.
Celui-ci représente une scène de bras de fer entre deux hommes. Celui de gauche est vraisemblablement un bandit ou un ronin, comme le laissent supposer sa tunique et le manche de ce qui semble être un kanabo ou massue, visible dans son dos. L’homme de droite est visiblement un seigneur : il porte un kimono estampillé d'un mon (emblème héraldique) que nous n'avons malheureusement pas pu identifier, et la poignée de son sabre est ouvragée. Une lame de naginata est visible dans son dos.
Daté de l’Ere Edo ou période des shoguns Tokugawa (1603-1867), ce menuki reprend certainement une scène de pari sur un bras de fer dans une maison de jeu. En effet, l’Ere Edo voit l'installation pérenne dans les villes des Bakuto ou joueurs professionnels itinérants, ainsi que la constitution des premiers clans de Yakuza. L'iconographie interpelle quant au propriétaire du sabre auquel était destiné ce menuki, la présence d'un seigneur face à un ronin étant difficile à expliquer. Une hypothèse qui semble plausible serait celle de penser que ce qui est représenté ici serait le conflit qu'un seigneur aurait mené à l'encontre des bandits, ronins ou yakuzas présents dans sa juridiction, cet affrontement étant représenté par l'acte du bras de fer et l'aspect martial du seigneur.
Cette pièce a été collectée entre 1858 et 1860 par le baron Charles de Chassiron (1818-1871), descendant d'une grande famille de navigateurs et de voyageurs de Charente-Maritime. Chassiron est l'un des participants de la mission diplomatique d'Extrême-Orient menée en Chine et au Japon de 1858 à 1860, qui aboutit à un traité de paix et d'amitié entre la France et le Japon, mais aussi entre la France et la Chine. Le diplomate acquiert ainsi, au cours de son voyage, une importante collection de produits autorisés à la vente pour les Occidentaux dans les bazars, auxquels appartiennent notamment les menukis présentés dans cette exposition.
Julien BIDAULT
Références :
- BONGRAIN, Gilles. Le Katana. Chaumont : Crépin-Leblond, 2004.
- FREDERIC, Louis. Le Japon, dictionnaire et civilisation. Paris : Robert Laffont, 1996 (Bouquins).
- http://www.alienor.org/collections-des-musees/fiche-personne-31936-chassiron-charles-de